Tous les jours la ligne 11

en partant un peu plus tôt j'arrive finalement à attraper le métro de 8h29, bon partir à l'heure n'a pas que des avantages parce qu'à cette heure là le quai est déjà rempli à télégraphe, et ça va pas s'arranger, voiture de tête j'arrive quand même à me faufiler entre les deux rangées de siège avant la cohue de place des fêtes, assis sur la banquette, deux enfants, elle sept ou huit ans, deux grands yeux bleus encore baignés de sommeil et de chocolat chaud, un petit sourire timide malgré tout quand elle voit que je la regarde, déjà une pro du métro, elle doit aller à l'école à hôtel de ville, comme on le faisait avec agathe tous les jours, c'est pas toujours reposant la vie d'écolière parisienne. Finalement une place, je m'assoie, en face de moi lui il dort, il a treize ou quatorze ans, sa casquette de rappeur sur le côté, son sac de classe encore sur le dos, sa tête trop lourde repose sur sa poitrine, ses mains abandonnées sur les genoux, face tournée vers le ciel, encore des mains d'enfant. Bientôt Chatelet, Terminus, tout le monde descend, je lui secoue un peu le genoux, il ne bouge pas, je secoue plus fort, toujours pas de réaction, je commencerai presque à m'inquiéter, est-ce qu'il lui est arrivé quelque chose, alors je lui secoue l'épaule, il se redresse, ouvre un oeil embué et embrumé, c'est le terminus on est arrivé, mais déjà le wagon se vide, les portes vont se refermer, je descend, il lève enfin la tête, se réveille, trop tard, les portes se ferment, le revoilà reparti pour un tour, Déodat n'arrivera pas à l'heure au collège ce matin.